
Alors que les Suissesses et les Suisses se rendront aux urnes ce dimanche, Jet d’Encre propose de participer à nouveau au débat démocratique en laissant la parole à deux opposants et à deux partisans de l’initiative sur les forfaits fiscaux, de loin l’objet le plus serré (42% d’intentions de vote favorables contre 46% de défavorables, selon le dernier sondage SSR). Aujourd’hui, l’avis de Nathalie Schneuwly (ci-dessous), ancienne députée radicale au Grand Conseil du Canton de Genève, est opposé à celui de Sylvain Thévoz, conseiller municipal socialiste à la Ville de Genève. Les deux politiciens s’expriment sur les visions contradictoires de l’égalité que met en exergue cette initiative.
Demain, ce seront les argumentaires de Caterina Martini et de Stéphanie Riehle qui s’affronteront dans nos colonnes.
Jet d’Encre précise que l’ordre des publications suit celui de la réception des textes et qu’aucun des auteurs n’a eu accès à l’article de son opposant avant publication.
Le 30 novembre, le peuple sera appelé aux urnes sur le sujet des forfaits fiscaux, tant au niveau cantonal1 qu’au niveau fédéral.
Si l’initiative fédérale « halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) » est acceptée, la votation cantonale n’a plus de raison d’être. Les forfaits fiscaux devront être abolis dans toute la Suisse. Genève n’aura plus de choix. Si par contre elle est refusée au plan fédéral, la votation cantonale garde encore tout son sens.
La gauche crie aux loups, prétendant que les forfaits fiscaux sont inéquitables, car ils ne sont que pour les riches étrangers. En matière d’impôts, il est difficile de parler d’équité, chaque situation étant différente, on essaie de trouver un système au plus juste qui soit profitable pour tous. Est-ce équitable qu’à Genève une grande part de la population ne paie pas d’impôts, alors qu’elle bénéficie de prestations étatiques ? Est-ce équitable de payer pour les écoles et les crèches, alors qu’on ne peut pas avoir d’enfants ? Est-ce équitable de payer pour les transports publics, alors qu’on ne les utilise pas ?
Le système des forfaits fiscaux est un moyen comme un autre de taxer une catégorie particulière de personnes. On a bien une taxation différenciée pour les célibataires et pour les couples ; pour les PME et les multinationales. Là, il s’agit d’étrangers qui habitent en Suisse, mais n’y travaillent pas. Ils vivent de leur fortune ou gains obtenus dans d’autres pays. Gains qui par ailleurs ont déjà été taxés dans le pays d’origine et fortune qui a déjà été taxée lors de sa constitution. Ce système de taxation à la dépense est pratique, puisqu’il évite de devoir aller rechercher les gains de ces personnes souvent mobiles, tels des sportifs qui gagnent de l’argent dans divers pays. Il permet de taxer sept fois le prix du loyer, ce qui n’est pas négligeable. Ce système n’est d’ailleurs pas si inéquitable, puisqu’au plan international il n’est même pas contesté. Certains pays se réjouissent déjà d’accueillir les étrangers qui quitteraient notre pays après la votation. Serait-ce plus équitable ? En abolissant les forfaits fiscaux, la Suisse se mettrait un terrible autogoal.
Genève pourrait perdre – selon les estimations – aux niveaux cantonal et communal 115 millions de francs de rentrées fiscales par an et se priverait de l’impôt sur les successions, car ces personnes y sont soumises, contrairement aux autres contribuables. Par ailleurs, les forfaits fiscaux induisent 3000 emplois par leur consommation et le mécénat.
Au niveau suisse, ces personnes paient près d’un milliard de francs et elles représentent 22’000 emplois. Dans l’éventualité de leur départ, il faudra bien combler les pertes. La classe moyenne et les PME seront à nouveau sollicitées. Est-ce équitable ?
Pour toutes ces raisons, il faut voter NON à l’initiative fédérale et laisser aux cantons la liberté du choix de leur fiscalité.
Au niveau cantonal, pour les mêmes raisons, il faut également voter NON à l’initiative 149 « pas de cadeaux aux millionnaires : initiative pour la suppression des forfaits fiscaux ». Enfin, si l’initiative ne passe pas au niveau fédéral, mais qu’elle est acceptée au niveau cantonal, Genève courrait le risque que les bénéficiaires de forfaits fiscaux se déplacent simplement dans le canton de Vaud pour bénéficier d’un forfait.
Enfin, le Grand Conseil, dans sa sagesse, a choisi de modifier la loi sur l’imposition des personnes physiques valant contreprojet à l’initiative. Comme déjà mentionné, l’acceptation de l’initiative pourrait entraîner la perte de 700 contribuables et donc d’importantes pertes fiscales, ce qui pourrait mettre en péril les finances du canton. Le contreprojet est intéressant puisqu’il permet au contraire d’encaisser plus de recettes fiscales, en augmentant l’assiette fiscale de CHF 300’000.- à 600’000.- de dépenses. Cette solution est pragmatique : elle maintient les forfaits fiscaux, mais augmente les impôts.
Ceci est d’autant plus important que la réforme de la fiscalité des entreprises, prévue pour cette année et imposée par les normes internationales, devrait déjà faire perdre énormément de rentrées fiscales au canton.
Ce n’est pas le moment de cumuler les effets négatifs. Maintenons un système qui a fait ses preuves, tout en permettant d’augmenter les impôts et en les rendant plus équitables aux yeux de certains.
Votez OUI au contreprojet et choisissez le contreprojet à la question subsidiaire.
1. À Genève.
Nathalie Schweuly, pouvez-vous nous indiquer la source de vos affirmations (notamment sur l'étendue des pertes à attendre) ou est-ce qu'on…